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07/12/2014

Lire les classiques - Victor Hugo

Victor Hugo

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On a tant abusé du regard dans les romans d'amour qu'on a fini par le déconsidérer. C'est à peine si l'on ose dire maintenant que deux êtres se sont aimés parce qu'ils se sont regardés. C'est pourtant comme cela qu'on s'aime et uniquement comme cela. Le reste n'est que le reste, et vient après. Rien n'est plus réel que ces grandes secousses que deux âmes se donnent en échangeant cette étincelle. 

Victor Hugo, Les misérables (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 2000)

image: Robert Archibald Graafland, Young Love / 1912 (tumblr.com)

01:42 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/12/2014

Morceaux choisis - Yves Bonnefoy

Yves Bonnefoy

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Et si demeure
Autre chose qu’un vent, un récif, une mer,
Je sais que tu seras, même de nuit,
L’ancre jetée, les pas titubants sur le sable,
Et le bois qu’on rassemble, et l’étincelle
Sous les branches mouillées, et, dans l’inquiète
Attente de la flamme qui hésite,
La première parole après le long silence,
Le premier feu à prendre au bas du monde mort.

Yves Bonnefoy, Les planches courbes / extrait (coll. Poésie/Gallimard, 2003)

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28/11/2014

Lire les classiques - Antoine de Chandieu

Antoine de Chandieu

littérature; poésie; anthologie; livres

Qu'as-tu? pauvre amoureux, dont l'âme demi-morte 
Soupire des sanglots au vent qui les emporte.
N'accuse rien que toi. Ton mal est ton désir, 
Et ce dont tu te plains, est ton propre plaisir. 
Tu n'as autre repos que ce qui te tourmente, 
Et t'éjouis au mal dont tu vas soupirant, 
Buvant ce doux-amer qui t'enivre et qui rend 
Ton plaisir douloureux et ta douleur plaisante.

Antoine de Chandieu, 1534-1591 (paradis-des-albatros.fr)

image: Frans van Mieris the Elder, A Young Woman feeding a Parrot (blog.kiwitan.com)

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21/11/2014

Morceaux choisis - Louis Aragon

Louis Aragon

SR_Guy Cambier.jpg

Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli
 
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots
 
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu
 
Donne-moi tes mains que mon cœur s’y forme
S’y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.

Louis Aragon, Le fou d'Elsa (coll. Poésie/Gallimard, 2002)

image: Guy Cambier (s019.radikal.ru)

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18/11/2014

Morceaux choisis - Yannis Ritsos

Yannis Ritsos 

littérature; poésie; anthologie; livres

Pendant des années,
il ne se souciait nullement du temps.
Avec des mots,
il remplaçait les pertes, les privations, les refus,
fabricant avec ferveur de petites auréoles
pour les gens simples,
pour les scènes insignifiantes.
 
Une fresque a fini 
par recouvrir peu à peu toute sa maison
- les deux chambres à coucher,
le petit salon de musique,
le grenier du côté ouest
et même la cuisine.
 
La nuit,
avec une lampe à huile,
il fait le tour de sa maison,
il observe, il admire
- voici Pétros, Martha, voici Yiorgos, Télis,
voici le promontoire de Monemvassia,
voici la mer resplendissante
dans le couchant de Samos -
quelle jeunesse, mon Dieu,
et que de siècles! 
 
Mais lui, où se trouve-t-il?
Où est-il?
Il est absent.
Un calme vieillard, triste,
avec sa lampe.

Yannis Ritsos, Le Temps, dans: Tard bien tard dans la nuit (Le Temps des Cerises, 2014)

image: Evgenios Spatharis (neoskosmos.com)

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15/11/2014

Lire les classiques - Paul Verlaine

Paul Verlaine

littérature; poésie; anthologie; livres

Ecoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire,
Elle est discrète, elle est légère:
Un frisson d'eau sur de la mousse!
 
La voix vous fut connue (et chère?)
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,
 
Et dans les longs plis de son voile,
Qui palpite aux brises d'automne.
Cache et montre au coeur qui s'étonne
La vérité comme une étoile.
 
Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c'est notre vie,
Que de la haine et de l'envie
Rien ne reste, la mort venue.
 
Elle parle aussi de la gloire
D'être simple sans plus attendre,
Et de noces d'or et du tendre
Bonheur d'une paix sans victoire.
 
Accueillez la voix qui persiste
Dans son naïf épithalame.
Allez, rien n'est meilleur à l'âme
Que de faire une âme moins triste!
 
Elle est en peine et de passage,
L'âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire!...
Ecoutez la chanson bien sage.

Paul Verlaine, Sagesse (coll. Livre de Poche/LGF, 2006)

image: http://arcus.a.r.pic.centerblog.net

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19/10/2014

Morceaux choisis - Paul Eluard

Paul Eluard

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merci à Christiane H 

Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin
Ciel dont j'ai dépassé la nuit
Plaines toutes petites dans mes mains ouvertes
Dans leur double horizon inerte indifférent
Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin
Je te cherche par-delà l'attente
Par-delà moi-même
Et je ne sais plus tant je t'aime
Lequel de nous deux est absent.

Paul Eluard, L'amour la poésie, précédé de: Capitale de la douleur (coll. Poésie/Gallimard, 2002)

image: Paul Delvaux, Robe de mariée / 1976 (img1.liveinternet.ru)

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13/10/2014

Lire les classiques - Paul Verlaine

Paul Verlaine 

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Souvenir, souvenir, que me veux-tu? L’automne
Faisait voler la grive à travers l’air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détonne.
 
Nous étions seul à seule et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant:
"Quel fut ton plus beau jour?" fit sa voix d’or vivant,
 
Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisai sa main blanche, dévotement.
 
- Ah! les premières fleurs, qu’elles sont parfumées!
Et qu’il bruit avec un murmure charmant
Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées!

Paul Verlaine, Nevermore, dans: Poèmes saturniens (coll. Livre de Poche/LGF, 2007)

image: Berthe Morisot, La mandoline / 1889 (impressionistsgallery.co.uk)

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06/10/2014

Morceaux choisis - Léon-Paul Fargue

Léon-Paul Fargue

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Souvenirs d’un passé qui dort dans une ombre si transparente... Des intimités insaisissables qu’on se croit bien seul à connaître et dont on voudrait enchanter les autres... Certains regards. La voix d’un être cher. La gaucherie d’une âme ardente.. Une inflexion familière très douce et bien humaine...

Des yeux qu’on revoit parmi vingt ans de souvenirs, dans une rue grise, un jour de promenade. Du soleil sur un peu de paille, devant la porte d’un malade... Un regret sobre. Une parole d’un chagrin vague... Un nom touchant qu’on n’arrive pas à retrouver... Tout ce qui porte une chanson triste au bord des lèvres... Et ce mutisme avant les larmes...

Le retour, un soir, dans un quartier où l’on a vécu jadis. Le tremblement de la voiture entre des arbres... L’odeur d’une avenue frissonnante où il a plu... L’odeur d’un chantier, sépulcrale et tendre... Un geste passe sur une fenêtre éclairée très tard, tout en haut d’une maison qui se reflète dans un fleuve... Le grondement lent d’un train sur un pont de fer... L’adieu long d’un remorqueur... Et la persistante vision de ce coin de faubourg où la vieille maison que j’ai tant aimée ne me connaît plus. Rien qui bouge à ses vitres. Un boutiquier maussade y tourne et pèse. Elle est sans regard, elle est sans rêves. Et il n’y a même pas de lumière à la fenêtre où j’ai songé...

J’allume pour nous deux les lampes... Une parole heureuse, un visage de femme, une fenêtre brûlante, des voix connues passent et se brisent... Ah je voudrais serrer tous les souvenirs sur ma poitrine, en bouquet, pour te les offrir. Mais ils sont lointains comme des signaux. Signaux du soir, avec leur douceur menaçante... Fanaux des trains et des bateaux, qui ont toujours ce regard triste... Signaux d’amour, tendres et fins comme des cœurs à la fenêtre... Signaux du ciel, un peu perdus, comme des fleurs dans un champ d’ombre...

De beaux accords plans se recouvrent. La mer qui remonte. Un rayon de Chopin m’arrive - et fait la lumière où je veux m’étendre - sans plus rien dire - avec un ami qui sache tout de moi-même, qui me reproche tout - et qui me pardonne...

Léon-Paul Fargue, Poésies (coll. Poésie/Gallimard, 1987)

image: http://bbcerne.blogspot.ch

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27/09/2014

Morceaux choisis - Yehuda Amichaï

Yehuda Amichaï

littérature; poésie; anthologie; livres

Et après tout ça - la pluie.
Alors que nous savions déjà lire 
le livre du séjour et le livre des adieux,
alors que nos cheveux
connaissaient déjà tous les vents
et que nos heures douces, libres,
couraient, domptées,
autour de l'arène du temps.
 
Après tout ça - la pluie.
Une grande mer salée
est venue à nous, balbutiant
en gouttes douces et lourdes.
 
Et après tout ça - la pluie.
Regarde: comme elle
nous sommes déversés ensemble
sur celle qui nous accueille
et ne se souvient pas,
la terre printanière.

Yehuda Amichaï, Perdu dans la grâce - Poèmes choisis (Gallimard, 2006)

traduit de l'hébreu par Emmanuel Moses

image: http://travel.pboog.com

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